9e Secret de Marie
Bon Dieu que tout ce que nous faisons est peu de chose!
Mais mettons-le dans les mains de Marie par cette dévotion.
Comme
nous nous serons donnés tout à fait à elle, autant qu'on se peut
donner, en nous dépouillant de tout en son honneur, elle nous sera
infiniment plus libérale, elle nous donnera "pour un œuf un bœuf",elle
se communiquera toute à nous avec ses mérites et ses vertus; elle mettra
nos présents dans le plat d'or de sa charité; elle nous revêtira comme
Rébecca fit Jacob, des beaux habits de son Fils aîné et unique Jésus-
Christ, c'est-à-dire de ses mérites qu'elle a à sa disposition: et
ainsi, comme ses domestiques et esclaves, après nous être dépouillés de
tout pour l'honorer, nous aurons doubles vêtements : vêtements,
ornements, parfums, mérites et vertus de Jésus et Marie dans l'âme d'un
esclave de Jésus et Marie dépouillé de soi-même et fidèle en son
dépouillement.
Se donner ainsi à la Sainte Vierge, c'est exercer
dans le plus haut point qu'on peut la charité envers le prochain,
puisque se faire volontairement son captif, c'est lui donner ce qu'on a
de plus cher, afin qu'elle en puisse disposer à sa volonté en faveur des
vivants et des morts.
C'est par cette dévotion qu'on met ses grâces, ses mérites et vertus en sûreté, en faisant Marie la dépositaire et lui disant:
| "Tenez,
ma chère Maîtresse, voilà ce que, par la grâce de votre Fils, j'ai fait
de bien; je ne suis pas capable de le garder à cause de ma faiblesse et
de mon inconstance, à cause du grand nombre et de la malice de mes
ennemis qui m'attaquent jour et nuit. Hélas! si l'on voit tous
les jours les cèdres du Liban tomber dans la boue, et des aigles,
s'élevant jusqu'au soleil, devenir des oiseaux de nuit; mille justes de
même tombent à ma gauche et dix mille à ma droite, mais, ma puissante et
très puissante Princesse, gardez tout mon bien, de peur qu'on ne me le
vole, tenez-moi, de peur que je ne tombe; je vous confie en dépôt tout
ce que j'ai. Je sais bien qui vous êtes, c'est pourquoi je me
confie tout à vous; vous êtes fidèle à Dieu et aux hommes, et vous ne
permettrez pas que rien ne périsse de ce que [je] vous confie; vous êtes
puissante, et rien ne peut vous nuire, ni ravir ce que vous avez entre
les mains."(Saint Bernard, Inter flores, cap. 135.) | |
Et ailleurs : Ce sont les paroles de Saint Bernard qui expriment en substance tout ce que je viens de dire.
Quand
il n'y aurait que ce seul motif pour m'exciter à cette dévotion, comme
[étant] le moyen de me conserver et augmenter même dans la grâce de
Dieu, je ne devrais respirer que feu et flammes pour elle.
Cette dévotion rend une âme vraiment libre de la liberté des enfants de Dieu.
Comme
pour l'amour de Marie, on se réduit volontairement en l'esclavage,
cette chère Maîtresse, par reconnaissance, élargit et dilate le cœur, et
fait marcher à pas de géant dans la voie des commandements de Dieu.
Elle ôte l'ennui, la tristesse et le scrupule.
Ce
fut cette dévotion que Notre-Seigneur apprit à la chère Agnès de
Langeac, religieuse morte en odeur de sainteté, comme un moyen assuré
pour sortir des grandes peines et perplexités où elle se trouvait:
"Fais-toi, lui dit-il, esclave de ma Mère et prends la chaînette"; ce
qu'elle fit; et dans le moment, toutes ses peines cessèrent.
Pour
autoriser cette dévotion, il faudrait rapporter ici toutes les bulles
et les indulgences des papes et les mandements des évêques en sa faveur,
les confréries établies en son honneur, l'exemple de plusieurs saints
et grands personnages qui l'ont pratiquée; mais je passe tout cela sous
silence...
Un chant: Ô Sang et Eau
Lundi prochain 19 mars : Entrer dans l'esprit de cette dévotion
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