Jean Vanier, un modèle de vieillesse tranquille ?
Domitille Farret d'Astiès |
01 mars 2018
© Templeton Prize, John Morrison
Le fondateur de L'Arche et de Foi et Lumière fêtera ses 90 ans en septembre prochain. Dans sa dernière lettre, il livre un témoignage fort sur le passage au grand âge.
Qui ne connaît pas Jean Vanier? Ce Canadien à l’accent inoubliable, nonagénaire à la rentrée prochaine, a fondé L’Arche ainsi que Foi et Lumière. Officier de marine dans sa jeunesse, il a aussi étudié la philosophie. Écrivain, théologien et humaniste, il a été promu commandeur de la Légion d’Honneur en 2016.
Le 13 octobre dernier, ce colosse au cœur en or a été victime d’une crise cardiaque. Depuis, il a ralenti ses activités publiques. Régulièrement, il publie La lettre de Jean, dans laquelle il partage joies, peines et réflexions. L’on pense à un autre Jean, de La Fontaine. Celui-ci achevait sa fable Le vieux chat et la jeune souris par cette sentence draconienne : « La vieillesse est impitoyable ». Jean, l’ami des plus petits, n’incarnerait-t-il pas plutôt un modèle de vieillesse tranquille ?
« Ce n’est pas une fin mais un commencement »
Dans sa lettre de janvier, il se confie : « En octobre, lorsque j’étais encore à l’hôpital, j’ai senti qu’une nouvelle étape de ma vie commençait, une vie faite davantage de prière, de silence, de lectures, de solitude et de quelques rencontres. J’ai cru que c’était comme une bonne fin après une vie très active avec L’Arche et Foi et Lumière. Maintenant j’ai l’impression que ce n’est pas une fin mais un commencement ».
Avant d’ajouter plus loin : « J’attends toujours du nouveau. Chaque jour est une nouvelle journée pour mieux connaître Dieu, mieux aimer Jésus et œuvrer pour le Royaume de Dieu et pour la paix pour notre pauvre monde ». Derrière ses allures de gentil grand-père, sa sempiternelle casquette vissée sur la tête, le philosophe ne nous donnerait-il pas une belle leçon de vie ? Celui qui a parcouru le monde, donné des conférences, croisé le chemin de Mère Teresa comme celui d’Elisabeth II et écrit des dizaines de livres passe aujourd’hui du temps depuis sa fenêtre à s’émerveiller de la présence des roitelets. Sa raison de vivre, c’est la contemplation.
« J’offre cette nouvelle étape »
Sa vulnérabilité plus évidente et sa fatigue dûs au grand âge, il les met au service des plus humbles, quels qu’ils soient : « Ma prière va vers tous ces gens accablés et souffrants dans un monde où il y a tant de personnes immigrées, réfugiées, isolées, emprisonnées. Dans ma vie plutôt confortable, j’offre cette nouvelle étape pour toutes ces personnes ».
Il a également à cœur le dialogue inter-religieux : « Je pense souvent […] à tous ces musulmans et ces chrétiens qui œuvrent pour l’unité et la compréhension mutuelle. Il y a tant de personnes qui créent des divisions mais heureusement, il y en a d’autres qui veulent œuvrer pour le dialogue et la rencontre ». À l’ère de l’humanité numérique, la vieillesse effraie. Nos seniors, jugés inefficaces, sont parfois mis au ban de la société. Les mots de Jean Vanier témoignent pourtant de la richesse de cette étape de la vie qui peut être vécue comme un temps dédié à l’essentiel. Ils tintent comme une invitation à transformer notre regard sur nos aînés.