Le
fondateur de la communauté
de l’Arche est décédé ce 7
mai dans sa 91ème année.
Il avait consacré la majeure
partie de sa vie aux
personnes présentant un
handicap mental. Cet
engagement pris au rebours
de la sensibilité
contemporaine, qui pratique
l’eugénisme prénatal pour
éradiquer le handicap, reste
un mystère qui interpelle
notre société. A ce mystère
premier et fondamental,
s’ajoute dans le cas de Jean
Vanier, catholique fervent,
celui d’une vocation vécue
contre vents et marées.
Quel
parcours hors norme que
celui de ce Canadien, fils
d’un diplomate qui
deviendra Gouverneur
général du Canada ! Né
à Genève (où son père,
officier et mutilé de
guerre, représente le Canada
à la Société des Nations),
ayant vécu enfant entre la
France et l’Angleterre, il
s’engage à 13 ans dans les
cadets de la Royal Navy et
passe huit ans dans les
marines britannique puis
canadienne. Catholique
fervent, il quitte la marine
en 1950 pour étudier la
philosophie et la théologie
à Paris. C’est alors qu’il
rencontre un dominicain,
aumônier d’une institution
psychiatrique, le père
Thomas Philippe (frère aîné
du Père Marie-Dominique
Philippe) qui jouera un
grand rôle dans sa vie.
Jean
Vanier découvre l’univers
des personnes handicapées
mentales. En 1964, il
s’installe dans la banlieue
parisienne pour vivre en
compagnie de deux adultes
handicapés mentaux. Ainsi
naît le premier foyer de
l’Arche, qui compte
aujourd’hui 152 communautés
dans 37 pays. A cette œuvre,
s’adjoint en 1971 celle des
communautés Foi et Lumière,
aujourd’hui au nombre de
1.420 dans 86 pays, que Jean
Vanier crée avec une autre
personnalité d’exception,
Marie-Hélène Mathieu, afin
que les personnes souffrant
d’un handicap mental
puissent être régulièrement
entourées de leurs parents
et amis. Auteur de nombreux
ouvrages, distingué par le
prix Templeton en 2015,
commandeur de la Légion
d’honneur, Jean Vanier aura
gardé jusqu’au bout une âme
d’enfant, au sens
évangélique de cette
expression : une innocence
christique faite d’abandon à
la Providence et de profonde
humilité, à l’école d’une de
ses saintes préférées,
sainte Thérèse de Lisieux.
Cette
innocence aura été soumise
à rude épreuve lorsqu'il
découvre les accusations
portées contre le Père
Thomas Philippe.
Celui-ci, fondateur de l’Eau
Vive, une communauté qui
regroupait des étudiants
catholiques désireux
d'approfondir leur formation
philosophique et
théologique, dont Jean
Vanier, est brusquement
convoqué à Rome en avril
1952 et écarté de l’Eau Vive
sans que le motif en soit
divulgué . Jean Vanier prend
alors la relève du
dominicain à la tête de
l’Eau Vive pendant quatre
ans. En 1956, l’Eau Vive est
fermée, après qu’un procès
canonique eut privé le père
Thomas Philippe du droit de
délivrer des sacrements.
Jean Vanier accepte cette
épreuve avec abnégation,
tout en restant persuadé que
sa vocation reste liée à
celle du père Thomas. Il
cherche sa voie dans la vie
monastique, travaille à sa
thèse de philosophie (« Le
bonheur comme principe et
fin de l'éthique
aristotélicienne »),
expérimente la vie
érémitique en Normandie puis
à Fatima, au Portugal … En
1962, docteur en
philosophie, il devient
professeur d'éthique à
l'université de Toronto.
Courte expérience : un an
plus tard, apprenant que le
père Thomas Philippe a
retrouvé le droit de
célébrer les sacrements et
qu’il a été nommé aumônier
du Val Fleury, un
établissement d'une
trentaine d'hommes
déficients
intellectuellement, installé
dans un petit village de
l'Oise, Trosly, il rejoint
celui qu’il considère comme
son père spirituel … et
découvre l’univers des
personnes mentalement
handicapées. C’est alors que
Jean Vanier, en vivant
d’abord avec deux d’entre
elles, crée l’Arche sans
avoir encore pleinement
conscience d’être un
fondateur. Son intuition :
les handicapés mentaux, les
« fous » disait-on à
l’époque, sont avant tout
des personnes qui ont besoin
non seulement de soins mais
d’attention et d’affection
dans un cadre familial fondé
sur la réciprocité et non
sur un quelconque rapport de
domination.
Plus
d’un demi-siècle s’est
écoulé, l’Arche est
devenue une communauté
présente dans le monde
entier. Quant à celui
que Jean Vanier considérait
comme son père spirituel, le
père Thomas Philippe (mort
en 1993), une enquête
canonique a conclu à sa
culpabilité dans des
affaires de mœurs en en
2015. Ce fut pour Jean
Vanier, au crépuscule de sa
longue et belle vie, une
nouvelle et terrible épreuve
qu’il accueillit comme les
précédentes, avec cet
étonnement douloureux d’un
« fou en Dieu » pour qui
« tout est grâce » : la
miséricorde divine se sert
de tout !
En
lien ci-dessous, une très
belle biographie de Jean
Vanier par Charles Wright
dans l’hebdomadaire « La
Vie ».
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