mercredi 25 avril 2018


Vallée des saints : le rendez-vous des saints bretons

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Créée en juillet 2008, la Vallée des saints est un projet collectif breton qui édifie des saints locaux sous forme de statues géantes. © René Mattes / hemis.fr
Née il y a dix  ans en plein désert intérieur de Bretagne, la Vallée des saints, parc de sculptures monumentales, accueillera cet été son 100e hôte. Déambulation au milieu des colosses de granit.      

À propos de l'article

  • Créé le 17/04/2018
  • Publié par :Pascaline Balland
  • Édité par :Sabine Harreau
  • Publié dans Pèlerin
    7066 du 3 mai 2018
Ils sont venus, un jour ils seront tous là. Ils ? Les saints bretons arrivés d’outre-Manche entre les Ve et VIIe siècles pour évangéliser la Bretagne et fonder chacun une paroisse. Là ? Sur la colline de Quénéquillec, à Carnoët, dans les Côtes d’Armor. Un cœur géographique, littéralement au centre de la région, transformé en cœur spirituel, culturel et touristique par un projet un peu fou.
Cette année, à la fin de juillet, la 100e statue trouvera place dans l’assemblée des géants.
Déjà en 2015, Pèlerin vous invitait à découvrir la Vallée des saints. Le site comptait alors 57 statues. Cette année, à la fin de juillet, la 100e trouvera place dans l’assemblée des géants. En attendant Piran, premier saint sculpté en Cornouailles (Grande-Bretagne), nous voici de nouveau à Quénéquillec, prenant la mesure du déploiement du lieu. L’heure est aux préparatifs et les abords s’en ressentent. Mais sitôt dépassés les bâtiments modulaires et les barrières de chantier destinés à disparaître d’ici l’été, une énergie dans l’air fait oublier ce premier contact râpeux.

Les monolithes hauts de 4 à 6 mètres sont eux-mêmes ramenés à une échelle modeste par les 13 hectares du lieu.
Quelques mètres d’un sentier encadré d’arbres débouchent à mi-hauteur de la colline. Libre à chacun d’emprunter le chemin de terre qui boucle une circonvolution autour du sommet ou de déambuler au milieu de la foule de pierre concentrée sur des buts invisibles. Ou encore d’alterner. Familles, habitués des chemins de Compostelle, écoliers de Loctudy (Finistère) et visiteurs étrangers ne s’en privent pas. Les taches bleues, oranges, beiges des blousons, bienvenus en ce jeudi frisquet de printemps, dessinent une ligne basse au pied des masses en granits rose de la Clarté, bleu de Lanhélin, gris de Cléder, gris-bleu de Louvigné-du-Désert…
Les monolithes hauts de 4 à 6 mètres sont eux-mêmes ramenés à une échelle modeste par les 13 hectares du lieu et le panorama à 360° sur les champs voisins et la forêt. Les saints, dont une douzaine de saintes, ont pris ici le relais des sentinelles mérovingiennes et, avant elles, romaines. Car la colline est occupée de longue date, le Tossen Sant Gweltas, la petite motte médiévale qui la surplombe, en témoigne. Fossé et chemin de ronde sont encore au rendez-vous. Ils dominent la ravissante chapelle Saint-Gildas en contre-bas. Derrière le bâtiment classé datant du XVIe siècle, retouché au XVIIIe, trois petits bassins à ras de sol lui tournent le dos.
Chevaux et ânes viendront tremper le sabot dans cette fontaine et recevoir la bénédiction de l’évêque de Saint-Brieuc.
Au premier jour de septembre, chevaux et ânes viendront tremper le sabot dans cette fontaine et recevoir la bénédiction de l’évêque de Saint-Brieuc. Tous les matins, Inès Ferreira commence sa journée en y plongeant les mains avant de remonter vers le chantier de sculpture à ciel ouvert. Casque sur les oreilles, lunettes de protection, tablier de cuir et bottes de pêche, la jeune Portugaise travaille à califourchon sur un parallélépipède de Roux du Megrit (c’est le nom du granit). Elle est allée elle-même le choisir à la carrière de La Landec. Elle a d’abord dégrossi le bloc au marteau piqueur. Maintenant elle cherche la forme de santez Yuna (sainte Jeune).
Rappeler l’audace et la foi des évangélisateurs de la Bretagne.
Pour mieux la connaître, Inès Ferreira s’est rendue à Plounevez-Moëdec d’où la sainte est originaire : « Elle y est vraiment aimée ; son pardon, le 21 août, est très suivi. Les gens savent surtout la version catholique de son histoire et ils redécouvrent doucement sa légende bretonne, son amour interdit pour son frère notamment. » Faire écho à des récits fabuleux, rappeler l’audace et la foi des évangélisateurs de la Bretagne, inviter à réfléchir sur la sainteté, mais aussi laisser carte blanche à des artistes, ranimer la culture populaire en même temps que le tourisme…
Dans cent ans, si les prochaines générations le veulent, les saints seront mille.
La Vallée des saints est née de ce tourbillon d’intentions. Paradoxalement, la balade échappe à l’agitation. Ici, le temps n’a pas de prise. Dans cent ans, si les prochaines générations le veulent, les saints seront mille. Philippe Abjean, l’un des fondateurs de la Vallée et son président, l’espère, car : « à chaque saint correspond un récit de fondation. C’est cet esprit fondateur que nous voulons transmettre et actualiser. » « Vous interprétez leur présence de cette façon, un autre la verra autrement. C’est tout l’intérêt » : sous l’arche des branches, tandis que je m’en retourne entre saint Yves (pardon Erwan), un peu vert d’être gagné par la mousse, et sainte Anne, qui compte elle aussi parmi les premières statues érigées à Quénéquillec, cette bribe de conversation entre deux amis me saisit au vol. Un message est passé. L’ouverture rassemble.  

Mes conseils
Prévoir des chaussures qui ne craignent pas la boue.
Attention aux horaires variables de la chapelle Saint-Gildas, ouverte en principe de 8 h à 18 h.
Retenir les dates des prochains chantiers des sculpteurs pour les voir travailler : du 6 août au 2 septembre et du 10 septembre au 7 octobre 2018.
La Vallée des saints est accessible gratuitement 24 h sur 24.
Les horaires de l’accueil : 11h-18h30 (mai-septembre, 10h-17h30 octobre-avril.

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