mercredi 24 octobre 2018


Les cochons de Panurge
 
 
Lu par Guillaume Marquet
Évangile selon saint Matthieu chapitre 8, versets 28-34
28 Comme Jésus arrivait sur l’autre rive, dans le pays des Gadaréniens, deux possédés sortirent d’entre les tombes à sa rencontre ; ils étaient si agressifs que personne ne pouvait passer par ce chemin.
29 Et voilà qu’ils se mirent à crier : « Que nous veux-tu, Fils de Dieu ? Es-tu venu pour nous tourmenter avant le moment fixé ? »
30 Or, il y avait au loin un grand troupeau de porcs qui cherchait sa nourriture.
31 Les démons suppliaient Jésus : « Si tu nous expulses, envoie-nous dans le troupeau de porcs. »
32 Il leur répondit : « Allez. » Ils sortirent et ils s’en allèrent dans les porcs ; et voilà que, du haut de la falaise, tout le troupeau se précipita dans la mer, et les porcs moururent dans les flots.
33 Les gardiens prirent la fuite et s’en allèrent dans la ville annoncer tout cela, et en particulier ce qui était arrivé aux possédés.
34 Et voilà que toute la ville sortit à la rencontre de Jésus ; et lorsqu’ils le virent, les gens le supplièrent de partir de leur territoire.
Méditation
Frère Jocelyn Dorvault
Couvent du Caire
Possédés ou possédants ?
Sur sa route, Jésus rencontre deux possédés. Ils ferment le passage. Mais le Verbe de Dieu, doit avancer, alors, ni une ni deux, il les guérit. Et les deux possédés se trouvent ainsi dépossédés. Il est drôle ce terme, car il a un double sens. Les deux hommes ont été libérés des démons qui avaient pris possession d’eux, mais peut-être aussi ont-ils perdu quelque chose qu’ils possédaient eux-mêmes, ou croyaient posséder. Nous aussi, parfois, nous faisons barrage comme ces deux-là. On ne peut rien nous dire, nous sommes à fleur de peau, nous n’arrivons pas à aller plus loin que la plainte, et nous ne supportons pas la moindre remise en question. Souvent ce blocage trouve son explication dans une souffrance, évidemment. Une blessure, toujours à vif, dont il faut tenir compte et qu’il faut s’employer à soulager. Mais j’ai constaté que parfois, cette blessure, source de souffrances et de fermetures devient partie intégrante de notre vie, de notre identité. Je veux dire que nous nous construisons avec, autour et à partir d’elle. Nous la possédons alors comme un bien, d’une certaine façon.
Nous lui trouvons un usage et nous appuyons sur elle. Par exemple, elle nous rend « intouchables », elle justifie notre irritabilité, notre intransigeance parfois. Ce qui fait mal devient alors comme un élément constitutif, nécessaire, inamovible de notre personnalité. Au point que si on l’enlevait cela entraînerait une déconstruction trop grande. C’est ainsi que cette blessure apprivoisée, qui nous identifie comme « souffrant » et conditionne nos relations aux autres, finalement nous possède. Elle est notre « démon ». C’est peut-être pour ça que la guérison ne consiste pas seulement à éradiquer le mal, il faut accepter d’en être dépossédé, le laisser filer ailleurs, et accepter de se reconstruire sans lui. Les deux hommes ont-ils accepté de faire ce deuil difficile ? On ne sait. Les gens du village, mécontents, semblent leur prêter voix et demandent à Jésus de passer son chemin…

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