samedi 7 septembre 2019

Un laïc profondément croyant. Salaün, un homme à la foisimple et forte, a supporté vaillamment l'épreuve d'une certaine forme d'exclusion. Considéré comme simple d'esprit, il est surnommé « ar Fol

Marie-Dominique Manaud
Membre de l'équipe du sanctuaire
Texte publié initialement le 30 juin 2018
1. REDÉCOUVRONS NOTRE PASSÉ
 1419 

Notre-Dame du Folgoët, la protection d’une mère

Le sanctuaire de Notre-Dame du Folgoët (en breton : « Itron Varia ar Folgoad ») situé à 25 km au nord-est de Brest dans le Finistère, a été construit au début du XVe siècle en l'honneur de la Sainte Vierge Marie qui avait manifesté sa bonté à l'un de ses dévots serviteurs appelé Salaün (Salomon en breton). Sur sa tombe poussa un lys avec gravés en lettres d’or sur les pétales les mots « Ave Maria » que le saint homme répétait de son vivant, sans se lasser. Suite à ce miracle, l’idée de construire une église en l’honneur de la Vierge fut accueillie avec enthousiasme par les gens du peuple comme par les grandes familles de Bretagne. Depuis cette époque, le sanctuaire reste un haut lieu de la manifestation de la confiance des pèlerins en la Très Sainte Vierge Marie.

Salaün ar Fol. Des textes anciens racontent qu'en l'an 1350 : «...  florissait en innocence, simplicité et sainteté de vie très austère un pauvre innocent nommé Salaün, lequel allait mendiant de porte en porte cherchant de quoi vivre et s'accoutrer... Envoyé aux escoles, il ne sut apprendre que ces mots en latin : « Ave Maria ! » lesquels il redisait fort souvent... Cherchant l'aumône, il disait : « Salün mangerait du pain »... et lors s'en allait à certaine fontaine... son lit était seulement de terre nue ; et icelle terre était amassée soubs un arbre au-dessus d'icelle fontaine. Quand il était transi de trop grande froidure d'hyver, il montait dans cet arbre et se brandelait en chantant à pleine voix : « Ô Marie ! Ô Marie ! Ô Marie ! Ô Marie ! Ô Marie ! »... Souvent, il se fourrait jusqu'aux aisselles dans l'eau... les habitants le voyant ainsi se baignant au plus rigoureux endroit des froidures le nommèrent fol... Mais depuis que cest innocent et simple pauvre est décédé, il fut enterré auprès de cette fontaine, et advint par après, qu'un lys très beau creut miraculeusement sur la fosse dont les fleurs représentaient en elles ces mots escrits en lettre d'or : « Ave Maria ! » » Le texte se termine par les mots d'un témoin oculaire : « Je, Jean de Langouezou, Abbé dudit lieu Landevennec, ay esté présent au miracle cy-dessus, l'ai veu et ouy, et l'ay mis par escrit à l'honneur de Dieu et de la benoiste Vierge Marie... » [Bibliothèque Nationale, fonds français n°22 339]. Ce Jean de Langouezou, ancien abbé de l'abbaye de Landevennec, vint s'établir à Lesneven. En mémoire du pauvre et saint homme qu'il aurait connu aux environs de Landevennec et qu'il vénérait, il fit bâtir dans le bois de Lesneven une église en l'honneur de la Vierge Marie qui fut appelée Notre-Dame du Folgoët.   

Un lieu de dévotion royale. La mort de Salaün, et le miracle du lys sont datés de 1358. La construction de l'édifice aurait débuté en 1419 et les premiers actes de culte en 1423, durant le règne du Duc de Bretagne Jean V. Il s'agissait alors d'une simple petite chapelle. L’édifice actuel comprend notamment une flèche de 54 mètres de haut, un tympan représentant l’adoration des Mages et un des plus beaux jubés de France (5 mètres de haut, 6m50 de large, en kersantite ou « granit de Kersanton »). On y voit la statue de Notre-Dame du Folgoët, elle aussi en granit de Kersanton. Il n'est pas possible de donner une date précise de la fin des travaux. On sait que Alain Cap (1578-1644) maître verrier a travaillé sur les vitraux. La tradition raconte que l’édifice reçut le titre de basilique mineure du pape Martin V en 1427, mais aucun document historique ne vient le confirmer. Après le Duc Jean V, il faudra attendre l’intérêt de la Duchesse Anne de Bretagne (1477-1514), épouse de deux rois de France, qui, au milieu de ses difficultés politiques, entendra reconquérir le cœur des Bretons en favorisant leur dévotion à la Madone. L'année de son mariage avec le roi de France Charles VII (1491), elle viendra passer quelques jours en pèlerine au Folgoët. On note plusieurs passages de la reine de France en ce lieu en 1494. Aux prises avec de nombreuses tracasseries, elle vient jeter ses soucis et ses peines dans les bras de la Mère des Douleurs. En 1505, elle est à nouveau au pied de Notre-Dame du Folgoët pour la remercier. François Ier et Henri II viennent à leur tour y prier la Sainte Vierge. L'engouement de la famille royale pour le culte marial s'étiole avec les années et Louis XIV dégrade la collégiale du Folgoët en simple chapelle. Le sanctuaire est confié aux Jésuites qui créent au chevet de l'édifice un séminaire des aumôniers de la Marine. En 1763, expulsés de France, les Jésuites quittent la région.

Au cœur des tribulations de l’Histoire. En 1708, l'imprudence d'un ouvrier provoque un incendie qui ravage la toiture et les vitraux volent en éclats. En 1772, les locaux naguère occupés par les prêtres sont transformés en hôpital militaire et c'en est fini du recueillement des pèlerinages. Avec la Révolution française est ordonnée la fermeture de l'église. Les cloches sont fondues pour la réalisation de canons ; l'édifice est saccagé et de très nombreuses statues sont « guillotinées » en 1793. La statue de la Vierge Marie échappe au massacre car elle est cachée dans une ferme avoisinante par une famille chrétienne. Acquise comme bien national, durant cette période noire, l'église devient successivement grange, porcherie puis caserne... mais l'humidité des lieux fait fuir les troupes. Certains y projettent le culte de la déesse Raison... Mais la foi tenace des habitants de la région permet la reprise du traditionnel Pardon le 8 septembre 1808 et la statue de Notre-Dame du Folgoët « Itron Varia ar Folgoad » retrouve sa place dans le sanctuaire. Sous l'impulsion de l’écrivain Prosper Mérimée alors Inspecteur Général des Monuments Historiques, l'édifice est peu à peu restauré entre 1835 et 1870. Le couronnement de la Vierge par Mgr Charles-Émile Freppel (évêque d’Angers et député du Finistère) en présence de très nombreux pèlerins, le 8 septembre 1888, marquera la fin des tribulations.   

De nos jours. La ferveur populaire reste très vive, comme en témoignent les très nombreux passages quotidiens dans le sanctuaire. Un cahier d'intentions placé devant la statue de Notre-Dame recueille les prières des pèlerins qui viennent déposer leurs inquiétudes pour leurs proches et pour le monde et aussi bien souvent remercier des grâces reçues par l'intercession de la Vierge Marie. Le mois de mai voit affluer de nombreuses personnes qui selon la tradition séculaire viennent prier Notre-Dame tous les dimanches de mai, les « Pemp Sul », ce qui veut dire en breton les cinq dimanches, car en mai il y a aussi le jour de la fête de l’Ascension. Il y a aussi le grand Pardon qui se déroule le premier dimanche de septembre, un moment très attendu. C’est le jour où dans une belle procession avec costumes et bannières se mêlent la tradition populaire et la ferveur des croyants qui viennent en cette période de rentrée scolaire confier à la Mère de Dieu une nouvelle étape de leur vie.

Un laïc profondément croyant. Salaün, un homme à la foi simple et forte, a supporté vaillamment l'épreuve d'une certaine forme d'exclusion. Considéré comme simple d'esprit, il est surnommé « ar Fol
» (le fou) [...]
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