Malheur à moi si je n’évangélise pas !
Première lettre aux Corinthiens, chapitre 9, verset 16
« Voici le chemin, prends-le. » Pour moi, ce fut un chemin à l’envers. J’ai choisi de quitter mon pays, les Philippines, pour un an de mission en France, à Lille. À mon départ, beaucoup se riaient de moi : être volontaire dans un pays riche, quelle idée ! Mais après avoir bien réfléchi, j’ai saisi cette occasion. Bien sûr, ce n’était pas facile. Le climat, la culture et la sécularisation : trois chocs.
On m’avait prévenu, mais comment imaginer ce que le chemin nous réserve lorsque l’on ne s’y est jamais aventuré ? À l’école catholique où j’ai enseigné l’anglais, je voyais bien que je ne pouvais pas annoncer le Christ comme je le faisais chez moi.
Il me fallait être plus « subtil », comme disent les Français. Un jour que je revenais de Lourdes, j’ai offert des chapelets aux élèves les plus méritants de ma classe. « C’est pas vrai, tu as fait ça ? » me demandèrent les frères en rentrant au couvent. « Eh bien, oui ! » Je compris alors que je n’avais pas été très « subtil ».
Mais je ne le regrettais pas. Les jours suivants, on se disputait pour avoir le droit au précieux chapelet. Les langues se déliaient. À quoi ça sert ? Comment prier ? Dans la salle des professeurs aussi, les discussions se prolongeaient. Les plus distants devenaient mes confidents. Pourtant, que de nuits de doute : l’impression d’être parti en vain, de ne pas y arriver, de ne pas être efficace. C’est si dur de se retrouver dans un pays où la foi ne s’affiche nulle part dans la rue.
Chez moi, Noël débute en septembre. En France, je l’attendais encore en février ! Ai-je bien fait de partir ? Je vois mieux maintenant que la main du Seigneur me guidait tous les jours. Parfois elle était tendre, d’autres fois plus rude, mais qu’importe sa tendresse ou sa dureté, c’est toujours une main d’amour.
Vous avez dit subtil ?