lundi 28 mars 2016

Entretien

Jean Vanier : « Face aux attentats, réagissons en tant que chrétiens »

"Ces actes sont-il un appel pour nous ? Ou sont-ils l'occasion de sombrer dans le découragement, la peur et l’insécurité ?"


Jean Vanier - fr
© FRANCOIS GUILLOT / AFP
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Aleteia : À 87 ans, vous qui vous êtes consacré toute votre vie aux personnes vulnérables, comment accueillez-vous votre propre vulnérabilité ?
Jean Vanier : Je suis fatigué mais ça va ! Mais j’aime être dépendant des autres vous savez, c’est génial… C’est une très bonne chose d’avoir besoin des autres, d’être guidé pour ne pas tomber, de pouvoir tendre la main. Être totalement autonome et n’avoir besoin de personne est triste. Enfin je dis cela aujourd’hui, mais cela changera peut-être ! Je ne sais pas ce que l’avenir me réserve. Si la vulnérabilité ne me gène pas tellement, j’ai en revanche plus peur de déranger et de souffrir.
 
Vous dites que les gens « attendent une espérance », c’était d’ailleurs l’un des sous-titre de votre conférence à Paris en janvier dernier : l’espérance de l’accueil de la vulnérabilité. En quoi cette dernière peut-elle être source d’espérance ? 
Je ne sais pas ce qu’attendent ceux qui parlent avec espérance. J’ai surtout envie de demander aux gens : « Comment vivez-vous les attentats du 13 novembre ? Sont-ils un appel pour vous ? Ou est-ce l’occasion de sombrer dans le découragement, la peur et l’insécurité ? ». La question est finalement là : sommes-nous chrétiens ? Nous laissons-nous embobiner dans ce monde d’inquiétude ou de doute ? Mais c’est peut-être plus facile pour moi parce que je vis à la campagne, loin de Paris.
Je crois fermement aussi en la force de la communauté, le fait d’être ensemble et de se soutenir. Il faut créer des communautés dans lesquelles nous puissions partager nos difficultés, nos fragilités et recevoir un soutien, celui d’être ensemble et de grandir dans une mission commune. Le monde change à une vitesse folle. Nous avons vécu des années confortables et soudainement nous faisons face à une situation plus difficile financièrement, économiquement, politiquement, à tous les niveaux. Les gens sont fragilisés. Face à cette situation, nous avons tous notre rôle à jouer : œuvrons ensemble et ne passons pas notre temps à être tristes et inquiets !
Dans votre lettre de Noël, vous lanciez un appel à ce que nous soyons tous des artisans de paix. Où sont-ils dans notre société au vu des derniers événements violents ?
Je vois beaucoup de personnes, peut-être des gens plus simples, plus pauvres, qui sont plus ouvert aux autres. Plus nous sommes dans l’aisance, plus nous avons peur de perdre ce que nous possédons. Le secret de la paix est de reconnaître que j’ai besoin de l’autre. Être un homme ou une femme de paix, c’est accueillir l’autre différent et entrer en conversation amicale et ouverte avec lui. Dans notre quotidien stressé et pressé, comment être ouvert à l’autre ? Pour moi, être un artisan de paix, c’est tout simplement être ouvert aux autres. À l’autre qui est peut-être d’une religion différente, qui n’a pas la même foi que moi mais qui est un être humain et en tant que tels tous les hommes sont « super » et ont besoin qu’on les regarde avec le sourire. je trouve qu’il y a beaucoup d’hommes et femmes qui sont « super » et ouverts mais peut-être que ce sont le types de personnes qui viennent dans nos communautés…
Pensez-vous que le modèle communautaire vécu à l’Arche, puisse être appliqué à d’autres communautés, comme par exemple dans l’accompagnement des personnes âgées ? 
Oui oui, et cela a déjà commencé. Quelques animateurs essaient de rassembler les gens et de créer des communautés. Il y a une recherche aujourd’hui pour vivre ceux qui ont connu le découragement et qui recherchent donc cette idée d’être et de vivre ensemble, entre personnes différentes. Cet état d’esprit nous aide à grandir et je pense que l’un des avantages des attentats qui ont lieu à paris en novembre est que cela nous oblige à nous poser la question de l’avenir que nous voulons construire.
Beaucoup de gens savent qu’il faut trouver autre chose qu’un bon travail et être « gavé » d’argent. Je crois qu’il y a quand même de nombreuses personnes qui connaissent une sorte de réveil et se posent la question du sens du « vivre ensemble » ou d’ « être ensemble ». Le fait que certains soient volontaires pour dormir avec des sans-abris dans les cryptes des églises est édifiant. Les choses sont en train de changer et je suis certain que cela continuera. La pauvreté devient également bien plus visible, ce qui nous oblige tous, et pas uniquement des chrétiens, à nous poser de nouvelles questions. Nous sommes tous frères et sœurs ; le mendiant que je croise est mon frère ou ma sœur.
Si vous aviez un dernier message à faire passer lequel serait-il ?
Aie confiance en toi pour découvrir le chemin de vérité qui t’appartient. Tu es plus beau que tu n’oses le croire ! Les gens ont peut être perdu confiance dans la politique, mais le pire est qu’ils ont perdu confiance en eux-mêmes comme étant capable de faire bouger des choses.
Propos recueillis par Mathilde Rambaud
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