Au
temps du Christ, quand on menait un homme au supplice, sur tout le
parcours jusqu'au lieu de l'exécution le condamné portait une pancarte
blanche, ou encore on la faisait porter devant lui. On y inscrivait en
lettres noires ou rouges le motif du châtiment.
C'est
ainsi qu'on a pu lire, fixée au-dessus de la croix de Jésus, une
inscription avec ces quelques mots méprisants : "Ho basileus tôn
Ioudaiôn houtos : cet individu est le roi des Juifs".
Or,
à cette même époque, la région appelée Palestine n'était pas sans roi.
Elle en avait même deux : Hérode Antipas (4 av. - 39 ap.) en Galilée et
en Transjordanie, et Philippe (4 av.- 34 ap.) dans le Golan.
Seule la Judée, avec Jérusalem, était contrôlée directement par le procurateur romain.
Si
les juges de Jésus, en particulier le romain, avait pu retenir contre
lui ce grief politique : "Il a voulu se faire roi", c'est que
spontanément, durant la vie publique de Jésus, beaucoup de croyants,
surtout dans le peuple, avaient reconnu en lui le Messie attendu par
Israël, et un Messie Roi. On espérait que Jésus prendrait en main les
destinées politiques du pays, lui qui avait su nourrir toute une foule
en pleine campagne. On attendait de lui qu'il secoue le joug de
l'occupant et qu'il redonne à son peuple l'indépendance d'autrefois.
Jésus,
lui, se méfiait de cet enthousiasme et de ce que les gens mettaient
sous le titre: Messie, fils de David. Fils de David, il l'était ;
Messie, il l'était, lui l'Envoyé de Dieu; mais il ne voulait pas qu'on
l'assimile aux rois terrestres. C'est pourquoi, au cours de son procès,
il répondra à Pilate : "Ma royauté n'est pas de ce monde" (Jn 18,36).
La
scène de la crucifixion nous permet de mesurer à la fois la force de
l'espérance que Jésus avait suscitée et le désarroi de la foule devant
un Messie crucifié.
Saint
Luc nous décrit quatre groupes d'hommes autour de la croix: le peuple,
qui regarde; les chefs juifs, qui ricanent; les soldats romains, qui se
moquent. Jésus en croix est bien, comme le dira Paul, "un scandale pour
les Juifs et une folie pour les païens" (1 Co 1,23). Quant au quatrième
groupe, ce sont les deux malfaiteurs crucifiés avec Jésus : l'un se
révolte et fait chorus avec les moqueurs, le second espère, et se
désolidarise de la haine.
À
quatre reprises revient le verbe sauver, en liaison avec le nom de
Messie (Christ) ou de roi : "Il en a sauvé d'autres, qu'il se sauve
lui-même, s'il est le Christ, l'Élu!" ; "Si tu es le roi des Juifs,
sauve-toi toi-même !" ; "N'es-tu pas le Christ? Sauve-toi toi-même, et
nous aussi !"
Sans
le savoir, sans s'en douter, ces hommes qui défient Jésus nous
orientent vers l'essentiel du mystère de ses souffrances et de sa mort :
Jésus ne veut pas se sauver de la croix, parce qu'il veut nous sauver
par sa croix, par l'amour qu'il donne au Père sur la croix. Car c'est
l'amour qui est force de salut, et non la souffrance par elle-même.
Nous
tenons là, face à Jésus souffrant, une lumière qui éclaire notre propre
destin et le destin de tous ceux que nous aimons. Jésus ne nous sauve
pas de la croix, de notre croix, mais il nous sauve par sa croix,
c'est-à-dire par l'amour qu'il nous a prouvé sur la croix; et il nous
offre de faire à notre tour de notre croix une preuve d'amour
|
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire