vendredi 5 août 2016

Obsèques du P. Hamel : une mémoire pour bâtir la paix

agrandir Funérailles du P. Hamel, mardi 2 août, dans la cathédrale de Rouen. Sur le cercueil, une aube et une étole rouge ont été déposées.
Funérailles du P. Hamel, mardi 2 août, dans la cathédrale de Rouen. Sur le cercueil, une aube et une étole rouge ont été déposées. © Michael Bunel/CIRIC

Funérailles du P. Hamel, mardi 2 août, dans la cathédrale de Rouen. Sur le cercueil, une aube et une étole rouge ont été déposées.
Funérailles du P. Hamel, mardi 2 août, dans la cathédrale de Rouen. Sur le cercueil, une aube et une étole rouge ont été déposées. © Michael Bunel/CIRIC

Notre reporter a assisté aux funérailles du P. Hamel, mardi 2 août, dans la cathédrale de Rouen. Parmi la foule des 3 500 personnes rassemblées, il y avait beaucoup d’émotion, mais aussi de l’espoir.
La pluie battante tombait, mardi 2 août, sur les pavés du parvis de la cathédrale de Rouen (Seine-Maritime). Plusieurs milliers d’anonymes se pressaient sous des parapluies noirs ou bariolés pour assister aux obsèques du P. Jacques Hamel, assassiné, le mardi précédent, dans l’église Saint-Étienne de Saint-Étienne-du-Rouvray. « Jacques n’aurait pas aimé la foule, mais il aurait aimé sa communion », observait l’archevêque de Rouen, Mgr Lebrun avant la cérémonie.
2 000 personnes ont pu pénétrer dans l’édifice gothique, quand d’autres ont dû rester dehors face à un écran. À l’orée de l’allée centrale, près des nombreux cierges scintillants, un tableau représentant le P. Hamel réalisé par Omar Moubine, un peintre amateur tourangeau de religion musulmane, les accueillait. Aux côtés des catholiques, des représentants des Églises orthodoxe et protestante, mais aussi des communautés juive et musulmane assistaient à la célébration.
« La présence des musulmans aide à ne pas sombrer dans l’amalgame, à continuer à tisser des liens avec eux », certifiait Elodie, 28 ans, qui a vécu à Saint-Étienne-du-Rouvray. Assise dans la nef, les yeux emplis de larmes, elle poursuivait : « Nous allons essayer d’être solidaires, de continuer le chemin de paix et de fraternité, même si, aujourd’hui, c’est compliqué. Pour le moment, j’ai encore du mal à prier pour les assassins. » À quelques mètres d’elle, Bachar El Sayadi, le président de l’Union des musulmans de Rouen, soulignait l’importance de ce deuil collectif. « Nous sommes venus dire au revoir à notre frère et montrer que l’islam n’a rien à voir avec ce qui s’est passé », appuyait-il.
Murietta, 46 ans, bénévole dans les paroisses de Saint-Étienne-Du-Rouvray, une croix en bois autour du cou, louait aussi l’importance de cette union des communautés religieuses. « J’étais à la mosquée vendredi pour le prêche très émouvant de l’imam, retraçait-elle. Il est crucial qu’en de telles circonstances, nous, juifs, chrétiens et musulmans, soyons réunis. »
Le discours de la nièce du P. Hamel, Jessica Deleporte, a scellé cette volonté de fraternité. « Après Charlie Hebdo, j’avais prononcé cette phrase : "Oh mon Dieu... Puissions-nous garder tolérance et discernement." Je ne pensais pas devoir un jour m’appliquer cela à moi-même avec autant de force et de conviction, soufflait-elle en réprimant ses larmes, la voix nouée et tremblante. Mais je vais le faire et je vais réussir… pour toi. Comme toi, je choisis le respect, comme toi je choisis l’amour, comme toi je choisis l’autre. »
Avant d’ouvrir la cérémonie des funérailles, Mgr Lebrun confiait : « Je suis admiratif de la famille du P. Hamel, qui a choisi de mettre en avant, pour les obsèques, l’évangile selon saint Matthieu (5, 44), dans lequel Jésus dit : "Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent". Il faut recevoir cette parole même si elle peut sembler aujourd’hui au-delà de nos forces. »  L’archevêque de Rouen a commenté ce passage de la Bible lors de son homélie, debout face au cercueil du P. Hamel, posé à même le sol de la cathédrale.
« Devant la réalité de cette mort aussi brutale qu’injuste et horrible, il faut puiser dans le fond de nos cœurs pour trouver la lumière, a-t-il déclaré. Le mal est un mystère. Il atteint des sommets d’horreur qui nous font sortir de l’humain. N’est-ce pas ce que tu as voulu dire, Jacques, par tes derniers mots ? Tombé à terre à la suite de premiers coups de couteau, tu essaies de repousser ton assaillant avec tes pieds, et tu dis : "Va-t’en, Satan" ; tu répètes : "Va-t’en, Satan". Tu exprimais alors ta foi en l’homme créé bon, que le diable agrippe. »
Dans l’assemblée, l’émotion se lisait sur les visages. Certains avaient les yeux embués ou fermés, quand d’autres se tenaient la tête entre les mains. Sylvie, une Rouennaise de 57 ans, était venue seule, serrant contre elle le recueil de prières réalisé pour les funérailles. « Je ne suis pas pratiquante, mais croyante, expliquait-elle. Ma présence résulte du travail du P. Hamel : redonner la foi. »
Parmi les 150 JMJistes revenus de Pologne et repérables, dans la cathédrale, à leur marinière, François, 19 ans, habitant de Rouen, racontait : « À Cracovie, nous avons été profondément touchés par cet attentat. Les terroristes veulent nous faire peur, nous empêcher de nous rassembler. Face à cela, être si nombreux aux JMJ était déjà un message d’espoir. » Près de lui, Blanche, 20 ans, acquiesçait. « Il faudra continuer à parler du P. Hamel. On nous a beaucoup encouragés à prier pour les deux terroristes, à comprendre tout le sens du mot miséricorde, poursuivait-elle. Nous avons revu le moment où Jean-Paul II est allé pardonner l’homme qui avait tenté de l’assassiner en 1981. C’est dur, mais il faut essayer de suivre son chemin. »
Roselyne Hamel, la sœur du P. Hamel, a ainsi rendu hommage aux valeurs de son frère : « Dieu t’a choisi pour être au service des autres afin de cultiver l’amour, le partage et la tolérance entre les peuples de toutes confessions, croyants ou non croyants, jusqu’à ton dernier souffle. Par le don de ta vie, la force de ta foi inébranlable, ton message est en marche. Apprenons à vivre ensemble, soyons des artisans de paix à notre manière. »
À la fin de la cérémonie sur le parvis de la cathédrale, était distribuée à tous une photo du P. Hamel avec ces mots : « Seigneur, nous te confions le P. Jacques Hamel et les victimes de tous les attentats. Fais de nous les témoins de ton espérance et des bâtisseurs de paix. »

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