Pour une spiritualité du soin
ARTICLE | 12/07/2011 | Numéro 1739 | Par Guillaume Desanges
Jean-Guilhem Xerri, médecin hospitalier et président de l’association Aux Captifs la Libération, publie un plaidoyer pour retrouver la dimension spirituelle du soin. Rencontre.
Vous vous alarmez d’une déshumanisation du soin, pourquoi ?
Le soin est aujourd’hui soumis à une double contrainte : celle de nos désirs dont les exigences se sont hissées à la hauteur des formidables capacités technologiques, et celle des limites économiques, juridiques, et surtout de sens, de notre société. Tant et si bien que la technique et la performance ont tendance à devenir l’unique dimension du soin.
Le relationnel et le spirituel sont tout aussi importants. Mais aujourd’hui, l’environnement libéral et technologique pousse à négliger ces deux dimensions. Le médecin travaille de plus en plus sur des représentations objectives de parties du corps et de maladie. De moins en moins il écoute une parole ou un récit signifiant pour le patient.
Comment faire évoluer le soin ?
Comment faire évoluer le soin ?
Il est urgent que les soignants prennent en compte trois valeurs anthropologiques fondamentales.
La première est la reconnaissance de la part de gratuité de leur investissement qui transforme l’acte en rencontre. La gratuité permet d’aller au-delà de la seule justice, du seul devoir de solidarité, et invite à reconnaître l’autre pour lui-même et non seulement comme une victime, un malade ou un blessé.
La deuxième est l’accueil de sa propre fragilité, qui permet au médecin de renoncer à la tentation de la toute-puissance, alors que la confrontation à son impuissance et à la mort constitue une source majeure de souffrance.Enfin, dans un contexte général où l’extériorité est privilégiée, que les soignants renouent avec leurs racines intérieures relève de l’hygiène de vie. Est-ce un hasard d’ailleurs si « méditation » et « médication » ont la même racine ?
Si le relationnel et le spirituel sont négligés, n’est-ce pas parce qu’ils prennent trop de temps ?
Certes, ils nécessitent plus de temps que les besoins techniques qui se déploient dans le temps de l’acte, du geste, et donc du mesurable.
Néanmoins, le « temps relationnel » a une valeur thérapeutique évidente pour le patient, et gratifiante pour le soignant. Il n’occupe malheureusement aujourd’hui que 5 % du temps de travail des infirmiers ou des aides-soignants.
Quant au « temps spirituel », menacé par l’exigence de rentabilité et par une forme extrême de laïcité, il est lui aussi indispensable au soignant et à sa solidité. Le soin est en effet une expérience qui confronte à l’absurde de la souffrance et de la mort, et ne laisse pas indemne. Le soin appelle donc au dépassement, à la découverte de soi-même, et nécessite la prise en compte d’une dimension spirituelle. Ce n’est pas une question religieuse ou théologique, mais une réalité anthropologique, partagée par tous, qui caractérise notre nature humaine, que l’on soit croyant ou non.
Guillaume Desanges
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