dimanche 10 mai 2015

Il me semble que c’est ce que Marthe a retenu, et de quelques-unes de ses paroles nous avons fait un chant :
Refrain : 
« Que tous les jours de notre vie, chaque instant de notre vie soit offert avec Jésus et en Jésus au salut des âmes. »
« La souffrance est un travail de vie et d’amour, c’est une richesse à offrir et à donner, car les difficultés ne sont plus obstacles, mais des moyens pour mieux aimer Jésus. »
« Il faut mourir si souvent, aimer et prier, la souffrance offerte nous rachète et nous sauve. Par le renoncement, on peut beaucoup plus obtenir que par le succès de nos plus grands désirs. »
La souffrance est un “travail”, au sens maternel d’un travail d’enfantement. Elle est un “travail de vie et d’amour”, comme une femme qui souffre pour donner la vie.
 
Deuxième approche
Ce n’est pas la souffrance qui est féconde en soi – on peut rester des années dans la révolte – mais elle peut devenir un chemin pour une union plus grande avec Jésus Sauveur, Jésus Rédempteur. Autrement dit, la fécondité viendra de Jésus, de Jésus souffrant pour être le Rédempteur. Rappelez-vous le témoignage des habitants de Sichar à la fin du chap. 4 de saint Jean, disant à la femme de Samarie : « Ce n’est plus sur tes dires que nous croyons, mais nous l’avons nous-mêmes vu, » nous l’avons expérimenté, « il est, lui, le Sauveur du monde ». C’est en lui qu’il faut plonger avec ses épreuves personnelles, professionnelles, relationnelles, affectives, morales, intérieures, spirituelles, et même nos épreuves mystiques. Il est la clé qui va permettre d’ouvrir la souffrance, de lui donner une fécondité, comme la vigne qui, quand elle est taillée, produit un “polycarpe”, c’est-à-Marthe, dire un beau fruit. C’est l’expérience fondatrice que Marthe va faire, pendant cinquante ans, chaque semaine : elle va expérimenter cette exceptionnelle fécondité en Jésus, de la propre souffrance de Jésus et de la Sainte Vierge avec lui, et de la propre souffrance de tous ceux qui la visitent, avec la sienne, immense, constante.
La compassion de Marthe est christocentrique : ce n’est pas pour se mettre en avant, loin de là, mais c’est pour tourner ces personnes vers Jésus, car il n’y a qu’en Jésus que les souffrances, les difficultés de la vie, le poids des épreuves et des responsabilités peuvent devenir féconds. C’est tout l’amour de Marthe pour Jésus.
On pourrait dire qu’il n’y a qu’une “chose” qui l’intéresse : Jésus, Jésus Sauveur, le mystère de la Rédemption du monde. Voilà pourquoi elle plonge dans ce mystère, chaque semaine, pendant plus de cinquante ans, pour nous, pour tous, pour ceux qui viennent la voir, pour ceux de la Vallée, pour ceux qui sont de l’autre bout du monde : ils seront étonnés devant cette femme qui les reçoit si simplement, qui entre avec eux dans une telle qualité de relation – que ce soit un paysan qui a des soucis avec ses bêtes, un universitaire, ou M. Jean Guitton de l’Académie Française... Marthe n’est pas là pour se raconter, elle est là pour plonger dans le mystère de Jésus, autrement dit : pour nous y entraîner tous, nous y “exciter” comme elle dit.
« Ce ne sont pas mes conseils qui vous aideront, c’est ma prière. S’il y avait quelque chose de meilleur que la prière, Notre Seigneur nous l’aurait enseigné. »
Et la prière, c’est l’oraison, c’est de plonger dans le mystère de Jésus, du Jeudi saint au soir au matin de Pentecôte. Marthe dira aussi, en parlant du Jeudi saint au soir et du Vendredi saint :
« Que de grandes choses renfermées en ces quelques heures à jamais fécondes !»
Et à un prêtre :
« Tous les chrétiens ont à participer à la Passion du Christ, à achever en leur corps ce qui manque à la Passion du Christ total. (Marthe parle ici comme Saint Paul ; et elle ajoute ce qui constitue sa mission) : Moi, je ne suis qu’un signe, un rappel pour tous les chrétiens. »
 
Troisième approche, pour avancer sur ce chemin
Marthe découvre très vite que Marie est la mieux placée pour nous précéder et nous accompagner sur ce chemin, pour nous permettre de plonger – vous le remarquerez : j’emploie souvent ce verbe “plonger” qui, en grec, désigne le baptême – oui, il nous faut être baptisés dans le mystère de Jésus, le Sauveur du monde, celui qui réconcilie les hommes avec Dieu, les hommes d’hier, d’aujourd’hui, vous, moi, telle situation, telle épreuve, telle vocation, telle difficulté, telle humiliation de l’Église dans l’apostolat.
Marie est la mieux placée, pourquoi ?
D’abord, parce qu’elle a partagé intégralement toutes les souffrances de son Fils, dans une communion d’âme. Marie n’était pas tout le temps à côté de Jésus. Durant son ministère public, elle est souvent avec les autres femmes, alors que Jésus est avec les foules, sur les collines de Galilée, pendant toute la journée.
Mais Marie vit une union d’âme avec lui – cela va infiniment plus loin que le sentiment : ce n’est pas l’union des cœurs qui entraîne l’union des âmes ; c’est une union d’âmes qui se transforme en union des cœurs, et l’union des âmes et des cœurs fait qu’on partage, même physiquement, la même épreuve, la même passion « pour Jésus et pour les âmes ».
Marie a partagé toutes les souffrances de son Fils, et elle nous fait entrer dans son propre “travail” d’enfantement, son travail à elle de femme, de mère : le Christ ressuscité ne meurt plus, mais maintenant c’est nous qui avons à naître à cette Vie. C’est pourquoi Marie devient notre Mère quand Jésus lui dit : « Femme, vois, ici, ton fils. » Et à partir de cette heure, Marie entre dans ce travail d’enfantement avec Jean, avec les autres apôtres pendant les dix jours au Cénacle. Marie va les enfanter, elle va souffrir pour qu’ils entrent dans le monde de Jésus, le monde de la Résurrection, le monde de la Pentecôte.
Je vous rappelle que Jésus lui-même, avant d’entrer dans sa Passion, s’est comparé à une femme qui va accoucher (Jn 16.21), c’est tout à fait étonnant, mais c’est l’image la plus vraie qui soit : cette souffrance, cette épreuve qu’il va traverser lui permettra de mettre au monde l’Église, un homme nouveau, un ciel nouveau, une terre nouvelle. Saint Paul étendra cette image à tout le cosmos : « la création elle-même gémit dans les douleurs d’un enfantement ». Et Jésus invitera même à lire les grands événements qui touchent le monde – les renversements politiques, les guerres, les rumeurs de guerres, les royaumes contre les royaumes, çà et là des famines – tous ces drames, comme des “contractions” (Mc 13.7-8), c’est le mot technique, comme des douleurs d’enfantement.
Je termine par un texte de Grignion de Montfort, où nous trouvons le mot “souffrances” :
« Soyez donc persuadés que plus vous regarderez Marie en vos oraisons, contemplations, actions et souffrances, et plus parfaitement vous trouverez Jésus-Christ qui est toujours avec Marie, grand, puissant, opérant. Ainsi, bien loin que la divine Marie, toute perdue en Dieu, devienne un obstacle pour arriver à l’union avec Dieu, il n’y a point eu jusqu’ici, et il n’y aura jamais de créature qui nous aide plus efficacement à ce grand ouvrage. » Traité de la Vraie Dévotion, n° 165
C’est la grâce que la Sainte Vierge est en train de donner en Afrique, au Rwanda, depuis les apparitions de Notre Dame de Kibeho (de 1981 à 1989). Kibeho est maintenant un pèlerinage, non seulement reconnu par les évêques du pays, mais soutenu par Rome. Des dizaines de milliers de gens marchent pendant huit jours ou quinze jours, avec un bâton de canne à sucre comme bâton et comme nourriture, pour venir à Kibeho. Là, la Sainte Vierge s’est montrée à trois jeunes filles : en particulier une certaine Marie-Claire à qui elle a demandé de redécouvrir le chapelet des Sept Douleurs de la Sainte Vierge. Ce n’est pas pour redécouvrir une vieille tradition qu’on avait oubliée, mais pour découvrir que Marie est la mieux placée par ses propres souffrances à vivre une union d’âme, de cœur, de corps avec Jésus, et cette union d’âme, de cœur, de corps avec Jésus donne une extraordinaire fécondité, une nouvelle espérance à ceux qui viennent se plonger dans les sept douleurs les plus importantes de la Sainte Vierge dans son union à Jésus (et les trois premières avec saint Joseph).
  

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