samedi 26 avril 2014

du monde diplomatique de février 2014

Individus, classes, communautés

Crises d’identités 

Selon le dictionnaire Larousse, l’identité désigne le « caractère permanent et fondamental » d’une personne ou d’un groupe. Or il n’est pas inhabituel aujourd’hui de considérer que nous avons des identités plurielles, produites par l’histoire, les rencontres, la multiplicité des liens que nous tissons. Que signifie alors cette notion paradoxale, tant pour l’individu que pour la collectivité au sein de laquelle il s’exprime ?
par Vincent Descombes, février 2014
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Il ne faut pas, dit-on, discuter des mots, mais plutôt des choses. Sans doute, mais il arrive que nous ne sachions pas bien quelles choses désignent les mots que nous employons. Ainsi du mot « identité » : il surgit dans toutes sortes de controverses, qu’elles portent sur l’identité nationale, l’identité juive, l’identité communiste, les identités sexuelles, etc. C’est bien sûr dans les adjectifs qualifiant à chaque fois l’identité que se cache l’enjeu de ces débats.
Or à quoi servent ces qualifications ? A définir le groupe dont tel individu peut se réclamer, groupe dès lors identifiable au titre d’une identité collective, bref à répondre à la question : « Qui sommes-nous, une nation, un peuple, un parti, etc. ? » Ou bien à multiplier les points de vue sur qui je suis, me dotant ainsi d’une identité plurielle, qui répondrait à la question : « Qui suis-je, moi en particulier ? »
Longtemps, on n’a parlé d’identité que pour désigner l’objet d’un « jugement d’identité », donc le fait de poser par exemple qu’une personne est bien celle qu’elle dit être, ou celle que nous cherchons sous tel nom, ou encore que deux noms désignent une seule et même chose (« lac Léman » = « lac de Genève »). Aujourd’hui, cette notion a souvent une autre acception. Venue des sciences sociales américaines, elle est entrée dans le sens commun contemporain sur fond d’identity politics (en français, on dira plutôt « communautarisme »). Elle postule le droit pour chacun à la reconnaissance de son appartenance à telle ou telle communauté au sein de la société globale, ainsi qu’à l’expression de cette appartenance. L’identité renvoie alors à l’idée d’une politique identitaire, où les choix de l’électeur sont censés devoir découler de sa communauté d’origine, plutôt que de ses opinions personnelles de citoyen. Ce qui ne va pas sans poser quelques questions.
Car s’il est entendu qu’il importe de défendre la diversité, la liberté pour chacun d’être lui-même, il est moins facile de savoir qui en est le vrai défenseur. Celui qui affirme le droit d’une minorité à conserver ses (...)
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