Pourquoi
multiplier les citations ? Religion et crainte sont choses
corrélatives, et l'une ne peut demeurer sans l'autre. Ainsi « Corneille
était un homme religieux et craignant Dieu (Ac 10,2). Nous devons avoir
en nous ce sentiment de la même manière dont le bienheureux Job assure
qu'il l'éprouve. » (Jb 31,23). Sous l'empire de cette crainte de Dieu,
nous abandonnons tout, nous renonçons au monde, et ainsi que le Seigneur
l'a dit, nous nous séparons même de nous. « Si quelqu'un veut venir
après Moi, qu'il se renonce lui-même » (Lc 9,23).
Cette crainte divine, rend, soumis à la pauvreté, celui qu'elle pénètre
parfaitement et elle l'éloigne du mal. Elle est au premier rang parmi
les grâces comme la pauvreté l’est dans la série des béatitudes : le
Seigneur a dit, en la plaçant comme le fondement des autres vertus : «
Heureux les pauvres d'esprit, parce que le royaume des cieux leur
appartient »
Le don de crainte rend notre amour de Dieu plus délicat. Ce sentiment
repose sur l'idée que la foi nous donne de la majesté de Dieu, en
présence duquel nous ne sommes que néant, de sa sainteté infinie, devant
laquelle nous ne sommes qu'indignité et souillure, du jugement
souverainement équitable qu'il doit exercer sur nous au sortir de cette
vie, et du danger d'une chute toujours possible, si nous manquons à la
grâce qui ne nous manque jamais, mais à laquelle nous pouvons résister.
Cette crainte de Dieu n'est pas une crainte servile ; elle devient au contraire la source des sentiments les plus délicats.
Le salut de l'homme s'opère donc « dans la crainte et le tremblement »,
comme l'enseigne l'Apôtre (1 Ph 2,12). Cette crainte, qui est un don de
l'Esprit-Saint, n'est pas un sentiment grossier qui se bornerait à nous
jeter dans l'épouvante à la pensée des châtiments éternels. Elle nous
maintient dans la componction du cœur, quand bien même nos péchés
seraient depuis longtemps pardonnés ; elle nous empêche d'oublier que
nous sommes pécheurs, que nous devons tout à la miséricorde divine, et
que nous ne sommes encore sauvés qu'en espérance. (Rm 8,24.)
Elle peut s'allier avec l'amour, n'étant plus qu'un sentiment filial qui
redoute le péché à cause de l'outrage qu'il fait à Dieu. Inspirée par
le respect de la majesté divine, par le sentiment de la sainteté
infinie, elle met la créature à sa vraie place, et saint Paul nous
enseigne qu'ainsi épurée, elle contribue à « l'achèvement de la
sanctification » (2 Co 7,1).
La crainte n'étouffe pas l'amour ; loin de là, elle enlève les obstacles
qui l'arrêteraient dans son développement. Les Puissances célestes
voient et aiment avec ardeur le souverain Bien, elles en sont enivrées
pour l'éternité ; cependant elles tremblent devant sa majesté
redoutable. Et nous, couverts des cicatrices du péché, remplis
d'imperfections, exposés à mille pièges, obligés de lutter contre tant
d'ennemis, nous ne sentirions pas qu'il nous faut stimuler par une
crainte forte, et en même temps filiale, notre volonté qui s'endort si
aisément, notre esprit que tant de ténèbres assiègent ! « Servez le
Seigneur avec crainte, et tressaillez de bonheur en tremblant devant
Lui » (Ps 2,2).
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