Au CHU de Clermont-Ferrand, où j’étais aumônier, la question
revenait souvent : « Mais que fait le Bon Dieu ? Ne va-t-il pas guérir
celui que nous aimons ? Combien de prières faut-il encore prononcer,
combien de messes faut-il offrir ? » Puis venait le douloureux
dénouement, lorsque, la maladie étant la plus forte, l’enfant était
mort, le parent avait rendu l’âme. « Demandez et vous recevrez ? »
Comment ne pas se dire que « si Dieu n’a pas exaucé nos prières, c’est
que nous n’avons pas eu assez de foi, ou bien que nous n’en valions pas
la peine, comme ces pourceaux dont parle Jésus » ! Que Dieu semble
soudain injuste, distant et froid !
Non, Dieu ne donne pas tout ce qu’on lui demande. Notre tentation
idolâtre, qui nous pousse vers le magique et le merveilleux, doublée
d’une éducation chrétienne approximative et qui nous fait croire que
Dieu est tout-puissant à la manière des puissances de ce monde, nous
donne envie de lire ces mots de Jésus d’une façon littérale. Pourtant,
non, Dieu ne tire pas les ficelles de notre monde, il ne décide ni ne
laisse faire aucun des maux qui nous frappent*. Car ce qui le
caractérise en premier ce n’est pas sa « Toute-Puissance », déposée aux
pieds de l’humanité dans une crèche de Bethléem, mais son infinie
bonté, manifestée dans le sacrifice de la croix.
Comment comprendre, alors, cette parole de Jésus ? Il faut la relire à
la lumière de sa finale : « Ce que vous voudriez que les autres fassent
pour vous, faites-le pour eux ». Il y a ici une inversion : nous étions
dans l’attente de quelque chose venant de Dieu pour nous, et maintenant
il s’agit de donner aux autres ce que nous attendons pour nous-mêmes. Ce
que nous voulons que Dieu fasse pour nous, c’est donc à nous de le
faire pour les autres. Nous sommes invités à être les mains, le regard,
le sourire de Dieu. C’est à travers nous qu’il agit, qu’il soulage et
qu’il guérit. Je l’ai vu souvent à l’œuvre à travers les soignants, les
membres de l’aumônerie, les proches qui entourent les malades. Dieu se
manifeste dans notre faiblesse. Il épouse nos limites et nos
impuissances, certes, mais, à la différence de l’idole
« toute-puissante » qui ne répond pas, il est vraiment là, à la manœuvre
avec nous.
* Évangile selon saint Luc ch 13, v 4 ; Lettre de saint Jacques apôtre ch 1, v 13.
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